[RP] Les dernières heures de l'Ermite

par MmePouyss Mer 11 Nov - 22:41

Les nuages s'amoncelaient dans le ciel, couvrant peu à peu la pâle lueur solaire. L'eau dont ils s'étaient gorgés tout au long de leur trajet commença à s'abattre sur les toits de la ville, goutte après goutte. Chaque percussion aquatique se faisait entendre dans toute la ville et il ne fallut pas longtemps pour que l'atmosphère s'emplisse d'un vacarme infernal. Les pavés de la place de l'Ermite guidèrent l'eau ruisselante en de petits rus qui devinrent bientôt de véritables rivières. Depuis longtemps les oiseaux s'étaient tus et les myriades d'insectes qui grouillaient dans les recoins sombres de la cité avaient rempli le moindre refuge. Ils avaient interrompu leurs luttes incessantes devant la puissance de la fureur célestes. Dans leurs écuries, les chevaux se serrèrent les uns contre les autres lorsque se fit entendre le grondement du premier tonnerre, annonciateur de nombreux successeurs.

La porte d'une petite maison coquette s'ouvrit sur la place de l'Ermite, et quelqu'un en sortit. Une large couverture ne suffisait pas à protéger entièrement la masse imposante de la forte femme. Elle trempait jusqu'aux chevilles dans les ruisseaux pluviaux mais sa démarche disait à qui voulait l'entendre qu'un fleuve ne suffirait pas à la ralentir. Le martèlement de ses pas rythmait la litanie de ses plaintes, grognement et diverses malédictions adressées au monde entier.

"Fait chier, c'putain d'pays d'cons. On s'croirait en Bretagne! J'pas traversé tout'la France sur mes gambettes pour m'coltiner l'même temps qu'là-bas. Si çà continue, j'me barre dans un pays Averro. Paraît qu'y'a jamais d'pluie chez eux. R'marque, faudrait qu'j'apprenne leur sabir d'sauvages et que j'bouffe leurs saleté d'bouffe. Et c'est pas à moi qu'on f'ra bouffer d'la bouffe d'jà bouffée par quèqun d'aut'."

Elle remonta ainsi pesamment et bruyamment l'avenue de la Grotte, l'une des deux principales artères de la ville. L'autre était le boulevard du Bastion et menait, quelle surprise!, au bastion qui interdisait l'accès aux hypothétiques armées ennemies. La Place de l'Ermite servait de lien entre ces deux axes et accueillait les badauds ainsi que les diverses animations Gavarnistes. Du moins, tel serait le cas si un jour la population ne se réduisait pas à une poignée d'hérétiques logeant tous dans le même pavillon, entourés d'une nuée de maisons vides attendant désespérément que des occupants s'y installent.

Les pas lourds de madame Pouyss, car c'est ainsi que tout le monde l'appelait, la firent remonter l'avenue en suivant le flanc de la montagne jusqu'à une petite place entourant une sombre grotte. Elle y entra sans la moindre hésitation. Elle n'hésitait jamais. Elle ne savait même pas ce que ce mot voulait dire. Mais celà n'avait rien d'une performance, vu le nombre de mots dont elle ignorait la signification, à commencer par le mot "peur". Elle parcourut un long couloir jusqu'à déboucher sur une petite pièce.

Les parois de celle-ci avaient été percés pour permettre à la lumière d'entrer et à son occupant de voir la ville issue de ses rêves. Il vivait tout le temps dans ses rêves, le vieil ermite, ce qui ne lui revenait pas cher en mobilier: une petite armoire solide pour ranger ses vêtements, un petit tapis pour protéger ses pieds du contact glacial de la pierre nue, et un lit où il gisait devant les yeux effarés de la matrone.

Elle veillait sur lui depuis qu'ils s'étaient rencontrés à Ventadour, surtout depuis un an, quand la santé du vieil homme s'était aggravée. Elle venait chaque jour à son chevet, lui amenait à manger, lavait ses draps, écoutait ses raisonnements philosophiques sans rien y comprendre... et le voilà qui avait rendu l'âme une des rares fois où elle était retournée au pavillon pour y piquer un petit roupillon.

Elle lui pris le pouls en touchant du doigt sa gorge, comme lui avait appris son petit-fils. Le cœur semblait battre encore un peu mais la forte femme se doutait bien que la fin était proche. Il fallait faire quelque chose pour le sauver, et elle en était incapable. D'habitude, elle refusait de reconnaître lorsqu'elle était incompétente dans un domaine. Mais là, la vie de l'homme le plus important de sa vie était en jeu. Elle avait besoin d'aide et était forcée de l'admettre à ceux qu'elle décida d'aller voir. Elle n'avait pas confiance en eux mais ils étaient les seules personnes à des lieues à la ronde. Et puis, son petit-fils venait de rentrer.

Alors, elle courut à s'en faire éclater les poumons, usant au maximum de la force de gravité pour prendre le plus de vitesse possible dans sa descente de l'avenue de la Grotte. Ne pouvant s'arrêter, elle traversa la place de l'Ermite comme une étoile filante et vint percuter de plein fouet un inconnu qui discutait avec Offray à la porte du pavillon...

HRP: Ce RP fait suite à celui intitulé L'évêque au vestibule au vestibule du pavillon de l'Hybris.

par Julien Offray Jeu 12 Nov - 1:41

A l'évidence, la possibilité d'un retour prochain à la case "sieste" se faisait de plus en plus improbable.
Le tout était, à présent, de faire le deuil de cette douce idée sans trop que ça se remarque, de manière à donner l'air de pouvoir supporter l'interaction sociale. Visiblement, le visiteur n'avait pas spécialement envie d'arpenter les sentiers, et semblait être ici à dessein.
Une réévaluation de la réponse s'imposait donc, et Julien s'apprêtait à ouvrir la bouche lorsqu'il prêta attention à un étrange phénomène.

Sur une table de bois, non loin, trônaient l'air de rien les restes d'un casse croûte improvisé. Un peu de pain, de charcutaille quelconque, et un picrate lambda dans une bouteille de verre transparent.
Rien d'étonnant, sachant que Julien avait coutume de se planquer ici quand il voulait grignoter tranquille sans trop se perdre en négociations avec la grosse Adélaïde, laquelle, en bonne ancienne tenancière qu'elle était, avait tendance à appliquer une certaine forme de discipline carcérale concernant la gestion des stocks, ce qui avait tendance à irriter quelque peu les tendances gastronomiques libertaires d'Offray.
Ce qui était frappant, en l'occurrence, c'était que, pour une raison mystérieuse, le liquide stagnant à l'intérieur de la bouteille était comme agité de soubresauts réguliers, laissant traîner une onde flasque à la surface.
Il était pourtant impossible que des gouttes tombassent à l'intérieur, car le bouchon avait été remis en place, pas plus qu'il n'était concevable qu'une bestiole quelconque soit ici à l'œuvre, car nul animal en instance de noyade avinée n'aurait la coquetterie de veiller à la régularité de ses gesticulations.

En fait, tout se passait comme si on donnait des coups de pieds à la table pour la faire vibrer. Pourtant, il n'y avait personne, de ça, Julien Offray était parfaitement sûr. Victime de sa curiosité, il délaissa un moment le visiteur, et, s'étant acquitté des formalités d'excuses de mise en ce genre de circonstances, se dirigea prudemment, tel un chasseur de papillons à l'affut, vers le mystérieux phénomènes en instance de vérification scientifique.

C'est là qu'il entendit un grand bruit derrière lui, matérialisé, il faut le souligner, par une vague bien plus prononcée à l'intérieure de la bouteille. Renonçant à découvrir le sismographe (et laissant à Steven Spielberg le droit d'user de cet artifice narratif sans avoir à se soucier du copyright), il se retourna et constata les dégats.
Il ne lui vint qu'une seule formule à la bouche, laconique, terriblement banale, comme dépassée par les évènements :

Pas trop de mal ?

par Galabael Sam 14 Nov - 18:21

La réponse du jeune homme tardait. Prenait-il donc plaisir à faire perdre son temps à l'Evêque (ainsi avait-il coutume de se faire appeler) ? Ou bien n'estimait-il pas que cette visite fût importante ? Galabael en fulmina intérieurement, à l'encontre de l'inconnu, et plus largement, à l'encontre de toute cette jeunesse nonchalante, paresseuse et impie, qu'il méprisait, en particulier lorsque l'un de ses insolents représentants le mettait de mauvaise humeur.

Le représentant dont il est question excellait d'ailleurs dans l'art d'ignorer un personnage de sa qualité. Dommage qu'il ne eût besoin de lui absolument, sans quoi il l'eût inévitablement, et à fort juste titre, corrigé. Le voilà qui poussait l'impolitesse à porter son regard non sur son visiteur, mais sur les restes misérables d'un repas... Rien de fastueux ou de spécialement appétissant, du reste, donc rien de susceptible d'éveiller à son tour l'intérêt du vieil homme, bien plus préoccupé par les choses sérieuses que le jeune freluquet.

Au moins avait-il eu la décence minimale de « s'excuser » (si tant est qu'on pût « s'excuser » soi-même, surtout vis-à-vis d'un sage comme aimait à se considérer l'Eveque) d'examiner les victuailles. Le plus curieux dans cette attitude pour le moins désarmante était que l'oeil de l'hôte n'était nullement envieux ou gourmand (il faut dire qu'il n'y avait pas vraiment matière, il est vrai, d'autant qu'il avait eu à sa portée la nourriture avant l'arrivée du vieil homme). L'Evêque considéra donc à son tour la charcuterie et le pain, et n'y vit rien de remarquable. Partagé entre colère et incompréhension, mais aussi méfiance envers la santé mentale du jeune homme, il fronça les sourcils d'un air réprobateur, sans dire un mot, mais n'en pensant pas moins.

Ou alors était-ce la bouteille ? Et l'envie d'alcool se serait alors muée en béate contemplation des formes sensuelles du récipient, et en silencieuse affection pour son oenologique contenu. La méfiance de Galabael devient inquiétude. Dieu, que ton humanité a pu devenir imparfaite ! Sans doute encore quelques réflexes cléricaux lui demeuraient. Son esprit n'en concevait pas moins un étonnement accusateur devant l'étrange attitude de son hôte.

Se perdant en conjectures sur l'attrait hybriste pour la dive bouteille, il n'eut ni le temps ni la présence d'esprit de se retourner et d'éviter le mastodonte qui l'engloutit soudainement ! Un guet-apens ! Il fallait s'en douter ! Les hérétiques n'auront pas pu résisté à l'envie de trucider un homme si richement habillé, qui plus est vêtu comme un clerc ! Il était trop tard à présent ! Quoiqu'encore loin d'être impotent (en dépit de l'apparence qu'il donnait plus ou moins volontairement), il était physiquement à la merci de ses agresseurs. Le jeune avait servi de leurre et le... la... enfin bref, l'autre avait refermé le piège sur l'Eveque. Il en avait même lâché sa canne. C'est dire si le choc avait été rude !

Dieu merci, il n'avait pas perdu conscience. Au moins pourrait-il résister jusqu'à sa mise à mort par les lâches païens ! Il se retourna donc, combatif, et eut la première surprise de vérifier que son agresseuse était bien une dam... une femme, plutôt. Dame était exagéré. Le leurre, quant à lui, se retourna, avec la même nonchalance qu'avait décelée Galabael.

Pas trop de mal ? Avait-il eu l'impudence de dire.

Le vieillard avait pensé un instant commencer une litanie d'insultes. Puis, à y bien réfléchir, il songea que ce que le jeune homme venait de dire était une fois de plus assez étrange pour sortir de la bouche d'un tortionnaire. Cette impression étant confirmée par le fait qu'on le laissa se relever sans l'immobiliser, il avança prudemment un :

Non... Je suis solide. Solide était quelque peu comique, au vu du différentiel de poids entre les deux « objets », mais il est vrai que Galabael n'était pas encore sénile.
Plus méfiant, il demanda, sur un ton au bord de l'agressivité circonspecte :

Qui êtes-vous ?

Il considérait particulièrement la mégère, dont il redoutait à présent chacun des mouvements.

par JandeBohem Dim 15 Nov - 21:33

Journal intime page 875

C’est l’aurore et j’ai déjà la nette intuition qu’aujourd’hui sera exactement comme hier. D’ailleurs, cet éternel soleil de plomb participe grandement au fait que nous ayons tous des allures de traîne-braies et si je songe à la dernière tâche physique qui m’ait quelque peu
éprouvée c’est assurément lorsque j’ai taillé, voici cinq jours les genévriers en candélabre.

Il me faut expliquer ici, que pour tromper l’ennui, je m’impose le défi de réaliser chaque semaine une tâche toujours plus rebutante
et difficile que la précédente mais l’imagination commence à faire défaut et lorsque j’aurai, après-demain, éplucher des oursins pour les parties de pétanque des deux gardes, touchés eux-mêmes d’une lassitude certaine, je songe avec effroi qu’il ne me restera plus que l’idéed’une séance de reloocking sur la beldoche.

Il me semble déjà que les privations sensorielles dont nous sommes victimes altèrent mes fonctions perceptives et puisque personne d’autre que moi n’aura accès à ce journal, je confesse qu’à l’instant, la vision cauchemardesque de l’armée d’Hannibal qui serait passée à l’ouest par distraction ne me surprendrait qu’à moitié.
Mais

par MmePouyss Ven 20 Nov - 23:10

La "dame" en question se releva bien vite, cachant avec soin les contusions que lui avait infligé le choc. Elle prit une grande inspiration, bien nécessaire après sa course effrénée, et répondit dans son style si diplomate:

"Comment çà, qui ch'suis? Z'en avez d'ces question cons, j'vous jure. T'façons, pas l'temps d'papoter 'vec un inconnu, non mais."

Puis, sans attendre la moindre réponse, elle avança vers Offray et lui cracha:

"Bon, c'est pas qu'çà m'enchante, mais y'a qu'toi. Y'a l'vieux qu'est en train d'vraiment clamser. Alors t'arrête d'glander et tu bouges le cul jusqu'à la grotte voir c'que tu peux faire, et fissa. Et t'as intérêt à savoir quoi faire, j'te l'dis. Allez, rest'pas planté là. Grouille!"

Puis, telle une furie aux formes herculéennes, elle fonça droit vers les pièces arrières de la maison pour poursuivre au plus vite son recrutement express. Elle ouvrit une porte à toute volée et, juste avant que celle-ci ne claque, elle rajouta:

"Et emmène l'aut' empaffé. Y servira p'têt à quèqu'chose!"

par JandeBohem Lun 30 Nov - 22:06

Ah ! … c’est vous ?

Oui, c’est elle, forcément. Qui d’autre possède ici cette frénésie à saccager son environnement de façon systématique ? et s’il faut trouver avec un certain désespoir une prévisibilité au comportement de telle … créature, la première démarche consiste à chercher quel objet fait obstacle à sa trajectoire géodésique sans concession.

Il est des histoires douloureuses, des vies brisées dont le récit dresse les cheveux d'épouvante et la rumeur qui naît des soirs de cuite a pris soin de propager dans tout Gavarnie l’histoire de la mère Pouyss : carences entraînées par une navrante structure familiale éclatée et surtout, séjour prolongée dans un tombeau de glaise, causes suffisantes en soi pour expliquer cette violence à connotation antisociale vraisemblablement accompagnée de mictions émotionnelles.

Maintenant, qu’elle puisse être à ce point incontrôlable … voilà qui dépasse l’entendement et Jane de Bohem aurait payé cher pour autopsier, dans l’usage d’une médecine totalement illégale le contenu du crâne de l’aïeule de son fils

Caressant l’espoir que les pâturons s’arrêtent au seuil de la porte devenue pitoyable, elle cherche l’ultime invocation qui stopperait nette la progression du cuirassé. C’est un échec, alors résignée, elle serre ses quelques affaires personnelles contre son giron

Sapristouille, Madame ! on dirait bien que votre empressement annonce la fin du monde ?

par Julien Offray Jeu 3 Déc - 1:08

Il y a des moments, dans la vie, où la nécessité impose d'arrêter de faire le mariole, sous peine de contrariétés immédiates et insoutenables. Tels étaient, globalement, pour Offray, les moments qui avaient la fâcheuse tendance de le mettre en relation avec Madame Pouyss. L'on ne pouvait pas dire qu'il en avait peur, au sens où, à tout prendre, il lui suffirait de trottiner dans le sens contraire d'une pente quelconque pour que l'intégralité de la menace physique que pouvait incarner la matrone s'évapore en transpiration abondante et en râles de fatigue rauques. Toutefois, il redoutait terriblement l'imprévisibilité de ses réactions, de sorte que la plus anodine des situations pouvait se compliquer terriblement sous l'effet dérisoire de la fantaisie humorale de la grosse femme. Or, Julien n'aimait pas se compliquer la vie, et pas plus qu'il n'aimait le risque de se la compliquer.
Ainsi, il avait toujours tendance à n'offrir à la vieille Pouyss qu'un minimum d'occasions de se coller en rogne. Par exemple en faisant à peu près tout ce qu'elle lui disait dès lors qu'elle le demandait en étant malpolie (pour ainsi dire tout le temps).

En l'occurrence, il s'agissait simplement de la suivre jusqu'à la grotte, où il semblait que le vieil homme était vraiment mal en point.
A vrai dire, Julien ne fit pas vraiment cas du prétexte, car en matière d'avis médicaux, la mère Pouyss lui semblait à peu près aussi autorisée qu'un moine contemplatif pour parler d'érotisme. Etant de nature à s'intéresser à tout, il avait quelques compétences en médecine, mais de là à être utile (et même d'ailleurs à ne pas agraver la situation), il y avait un pas qu'il ne franchirait pas sans la poussée enthousiaste que lui imprimait moralement la matrone.
Il faillit répondre à la volée lorsqu'elle lui demanda d'emmener avec lui le visiteur, mais parvint à préserver le peu d'intelligibilité qui restait encore à la scène en évitant de l'ouvrir. Il se tourna vers Galabael.

J'ignore si vous êtes un empaffé, mais je pense pouvoir déterminer que c'est bien de vous qu'elle parlait.
Alors bon, loin de moi l'idée de vous forcer à me suivre, encore moins celle de vous traîner par les pieds, mais je vous suggère de ne pas trop compliquer la situation en venant avec moi.
Mais bon, après, vous faites ce que vous voulez...

Allez zou ! Direction la grotte.

par MmePouyss Jeu 10 Déc - 4:05

[Dans ce qui semble être le bureau de JandeBohem]

JandeBohem a écrit:Sapristouille, Madame ! on dirait bien que votre empressement annonce la fin du monde ?

"Pire, ma cocotte! Y'a l'vieux qu'è en train d'clamser dans sa **tain d'grotte. Y fait rien qu'à respirer les yeux fermés. Pis y réponds qu'dalle losque j'le s'coue. T'sais qu'c'est pas franch'ment dans mes habitudes d'faire la teigneuse 'vec les gens. Ch'uis toute douce, comme on dit."

L'irascible matrone se dressa face à son interlocutrice, d'un air faisant parfaitement comprendre qu'il n'était pas dans son intérêt de contredire une vérité si évidente. Puis elle repris:

"Alors j'rameute toute la bande d'rigolos qui glandouillent ici histoire d'voir si y'en aurait pas un qui saurait comment r'mett' l'vieux sur pieds. Tu sais y faire toi, avec les organes et tout l'toutim?"

Avant même que JandeBohem ait pu commencer la moindre réponse, la forte femme regarda tout autour d'elle d'un air intrigué.

"Et pis, il est où, l'merdeux? Ton rej'ton, j'veux dire."

par JandeBohem Jeu 10 Déc - 20:20

s'il y a bien une chose qu'elle déteste, c'est qu'on l'appelle ma cocotte alors quand l'autre prend des airs comme si elle venait de réussir un civet de lapin-crétin elle rétorque après une grande respiration puis un soupir

je suppose que vous parlez de votre maître spirituel ... et bien je n'en ai aucune idée vu qu'il est grand le petit maintenant et qu'il fait sa vie sans que j'ai a surveiller si la morve lui coule du nez

quand à l'ermite, avec le tableau clinique que vous nous en rapportez, il pourrait aussi bien dormir d'un sommeil profond.
Voyez-vous, en médecine je ne connais que la théor... enfin je sais surtout soigner les livres, mais si vous avez raison, je pourrais au moins dire lequel, de tous les maux, l'emporte vers le trépas
Allons-y !

par Galabael Dim 20 Déc - 13:30

C'était à n'y rien comprendre. L'Evêque était venu en ces lieux sans aucune autre intention que celle d'approcher ce que Rome appelait l'hérésie hybriste... et en quelques minutes, on l'avait relégué du rang de visiteur distingué à celui de faire-valoir, voire d'empaffé... Son orgueil en avait pris un coup, quoiqu'il fût coriace. Préférant faire contre mauvaise fortune bon coeur, il convint de suivre la matrone qui l'avait renversé sans aucun égard, et remit donc son exigence d'explications à plus tard.

A l'invitation d'Offray, il ne dit mot, mais acquiesça intérieurement. Non que Galabael fut le moins du monde intéressé par le sort d'un mourant qu'il ne connaissait pas, mais il estimait qu'il pourrait sans doute mieux comprendre ce qui lui valait tant de rebondissements et si peu de précisions quant à l'objet sérieux de sa visite.

Une autre femme rejoignit le groupe. A en croire ses paroles, elle n'était pas non plus à même de soigner celui qui était dit agonisant par la première. Inutile déplacement. Au moins les deux inconnus paraissaient-ils être aussi dubitatifs que Galabael sur la crédibilité de la grosse femme. Et ils semblaient quelque peu plus éduqués, ce qui confirma l'Eveque dans l'idée que c'était davantage à eux qu'il lui faudrait s'adresser lorsqu'enfin on s'intéresserait à sa personne - d'une autre manière qu'en lui rentrant dedans, s'entend.

L'air grave et sans avancer un mot, il suivit donc les trois étranges individus, en prenant soin de se tenir à bonne distance de la plus dangereuse des trois.

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